Il y a toutes sortes de Poules Les « Poussinettes » sortant de l’oeuf….
Les Poulettes…coquettes Les poules Pondeuses….
Les Poules Couveuses…Les Mères Poules….
Les Poules au Pot…les pauvres…
Il y a même parait il…
Des… « Poules de Luxe »….
Mais là n’est pas notre affaire !
Et les Poules Naînes ?
dites « Poules Naines ou Niquettes »
Comme on dit chez moi vous connaissez ?
« Une poule sur un mur Qui picorait du pain dur… »
PIOU-PIOU
Avec son plumage bigarré de gris , de blanc et de beige , dodue comme une caille elle a vraiment du charme Piou-Piou la Niquette …Poule Naine de son état !
Sûre d’elle , un peu « fièrotte » elle réussit le tour de force de « squatter » l’appartement de mes parents .
Pourtant elle dispose d’un minuscule cagibi sur la terrasse ombragée d’une treille bourdonnante d’abeilles aux beaux jours .
Dans la paille et le foin que nous y avons déposé , Piou-Piou a fait son nid . De temps en temps elle daigne y pondre un œuf blanc comme neige .
C’est l’Occupation de 1941/1945 . Mon père est hospitalisé pour une mauvaise blessure au genoux gauche . Cela l’oblige à de fréquents aller retour entre l ’hôpital et la maison
Plâtré de la hanche à la cheville il ne bouge guère si ce n’est avec des béquilles pour aller du lit à la chaise longue .
Les jours , les semaines , les mois s’étirent à une allure d’escargot .
Quand la souffrance s’atténue lui laissant un peu de répit , il fait des mots croisés ; la lecture est sa passion et les livres de fameux compagnons . De temps à autre « il tape le carton » en faisant une belote avec ses copains qui lui rendent visite . Le temps ainsi est moins pénible à supporter . Le tabac est rationné comme le reste .
Fumeur invétéré mon père garde précieusement dans un petit pot de faïence posé sur la cheminée de la cuisine les « mégots » de cigarettes qu’il roule lui-même ,. Lorsque ce dernier est rempli , mon père les défait patiemment afin de ne pas perdre un brin de tabac qu’il recueille précieusement dans une blague du même nom que ce dernier ! Ainsi petit à petit il se fait une réserve certes modeste pour les jours où le ravitaillement est difficile .
Piou-Piou progressivement prend sa place parmi nous .
Doucement à pas comptés , avec des « cotcotcot » qu’elle suppose charmeurs , elle franchit le seuil de la cuisine . Jour après jour à chaque occasion, elle investit l’espace de cette dernière malgré les gronderies et les renvois de ma mère .
Moi cela m’amuse ; car Piou-Piou est persévérante , elle remet ça dés que la porte est ouverte (et c’est souvent) !
Puis un jour , mon père effaré voit la coquine tendre son cou par la porte entr’ouverte de sa chambre . Un coup d’œil à droite , un autre à gauche ,Piou-Piou la Niquette s’enhardit tout en gloussant…
Un pas hésitant , puis un autre….mais elle glisse sur un des « patins » de feutre posé là par ma mère , en bonne ménagère soucieuse du brillant de « son » parquet ! Piou-Piou la curieuse fait une embardée sur son croupion emplumé , bat des ailes et se retrouve propulsée sur le pied du lit de mon père qui éclate de rire .
Alertée par les « cotcotcot » bruyants de cette dernière , ma mère accourt et reste sans voix en voyant notre Niquette triomphante ainsi perchée…pour en rire à son tour !Au fil des jours cette dernière prend des habitudes . Lorsque mon père peut enfin se lever de courts moments , Piou-Piou l’accompagne.
Elle se perche sur sa jambe plâtrée , sur le dossier de la chaise longue ou bien sur les béquilles posées prés de lui .Nous nous sommes habitués à la compagnie de la petite coquine qui va et vient sans gêne de la maison à la terrasse. Le cagibi ne la voit que lorsqu’ elle pond un œuf . Le soir c’est la corrida pour que l’on puisse l’y enfermée pour la nuit. Bien avant le jour ses « cotcoctcot » protestataires nous sonnent le réveil…pas besoin de coq !
La vie va avec ses bas et ses hauts Jusqu’au jour où mon père me demande de lui apporter le pot aux « mégots »…Stupéfaction…il est presque vide ! Pourtant chaque jour il y met les précieux « mégots »
"- Nini où sont le mégots tu les a foutu en l’air? tonne t’il en apostrophant ma mère.
- Mais non , je n’y ai pas touché , lui rétorque t’elle .
- Alors ou sont ils ?
Le mystère reste entier pendant plusieurs jours .
Nous sommes trois a recueillir les fameux mégots de mon père… C’est tout juste si on ne les compte pas !
Ce samedi en fin de matinée , ma mère revient du marché . Mon père lit installé sur la chaise longue . La maison est silencieuse ; je fais mes devoirs . Un « pic, pic »à peine audible nous parvient…nous avons l’oreille fine. Nous nous demandons ce qui occasionne ce bruit si petit soit il . Ma mère intriguée se détourne de la table où elle a posée les provisions….Elle nous appelle doucement mon père et moi et nous montre du doigt….Piou-Piou sur la cheminée qui « pioche » dans le pot aux mégots. Avec délicatesse celle ci en décortique un de son bec en le tenant dans une de ses pattes , tandis qu’elle se tient de l’autre au rebord du pot .Elle picore allègrement le tabac que mon père garde précieusement ! Autour d’elle la cheminée est jonchée de papier à cigarette « Riz la Croix » !
Voilà comment une Poule Nine devint
« Piou-Piou la Mégoteuse ! »
Le nom lui est resté !
Chanteplume