Et alors....
Il fait encore nuit , quand elle nous réveille. Sans protester car nous pressentons que c’est un jour important nous descendons dans la cuisine . Ensemble nous déjeunons ; sur ses conseils nous enfilons des bottes car :-« y’a d’l’aigail » c'est-à-dire de la rosée , l’automne est là . Elle pose sur mes épaules sa cape de bergère… donne à Jean la besace de grand-père dont il passe la courroie sur son épaule et l’air de rien me dit :-« à l’Embellie tu sauras c’ qui faut faire… allez maintenant c’est l’heure ! »tout en parlant elle nous accompagne à la barrière du jardin pose sa main sur la mienne –« vas ma m’gnonne » !
L’aube est encore loin lorsque nous prenons le chemin creux qui mène aux quatre Chênes , il fait noir sous les arbres. Je passe mon bras sous celui de Jean dont la main emprisonne la mienne ça me rassure. Nous n’avons pas besoin de parler étant sur la même longueur d’ondes .Au début du sentier menant à l’Embellie , nous hésitons un peu , très peu puis nous nous y engageons. Les gouttes de rosée tombant des arbres roulent sur nos visages s’accrochent dans nos cheveux comme des perles ; un oiseau piaille dans son sommeil au creux de son nid .
Nous marchons vite le sentier est facile puisque Jean l’a dégagé depuis peu ….nous émergeons de la futée au bord du talus…le ciel est translucide , la clairière est encore dans la pénombre . Jean m’aide à descendre car l’herbe humide est glissante . A part le friselis de la brise nul bruit ne trouble le silence , à ce moment même je pense au matin d’il y a dix ans ; j’appréhendais cet instant . Tout est tranquille!….avant notre départ grand’mère m’a dit-« tu monteras dans la chambre haute » confiante je suis son conseil .
En gravissant les marches de pierre mon cœur se serre…qu’allons nous trouver ? Passant devant moi Jean tourne le loquet …la porte s’ouvre sans bruit…. La lumière nacrée de l’aube baigne la pièce parfaitement en ordre . Le chandelier à disparu….J’approche de la table sur laquelle Jean pose la besace pour ouvrir la fenêtre en grand . L’odeur de la terre humide, celle des arbres entrent à grandes goulées. Nous nous regardons…il défait les boucles du sac en retire une nappe blanche que j’étale sur la table où je pose le tourteaux enveloppé d’une serviette blanche, également , des fruits , deux pots de confitures faites maison quelques carrés de chocolat .Tout est silence !